Ces talents enterrés vivants dans les murs

Ces poèmes ont été écrits pendant la période de la pandémie du Covid. Ma famille est originaire de Wuhan, l’épicentre de la crise sanitaire. Quatre années sans pouvoir rentrer : dans cette longue solitude, je me suis imposée un rituel, écrire un poème par jour, jusqu’au moment où je pourrais enfin rentrer chez moi.

(1)

Lapin

Liberté

L’air tout humide

Les clés et les boucles d’oreilles qui se sont perdus

Vouloir aller plus loin, rester plus longtemps

Accrochez-vous

Vous pouvez sûrement atteindre la destination

Pourtant

Lorsqu’on voit les gens qui nous manquent

L’air sent meilleurs

La tête est plus légère

(2)

Rouge et bleu,

Un bonheur implusif

Une route inconnue

Découvrir un immeuble ancien

Monter à bout de souffle

Les ascenseurs sont des inventions merveilleuses

Un petit voyage 

mais en sueur

Précédé est d’une longue conversation

Les parents et moi

Chagrin et joie sans fin

(3)

Ecchymoses bleues verdâtres sur le pied droit

Il a eu un os de poulet coincé dans ma gorge pendant une seconde

À ce moment-là, il semblait que le danger criait à tout moment…

Si tu baisses ta garde

Les bleus et les douleurs sont monnaie courante

Pour guérir tout ça

Seulement

Amour

Même l’amour peut être dangereux

(4)

Pourquoi m’apprends-tu toujours à être soumise ?

Se soumettre à l’âge, la force, l’intelligence, la beauté

Pourquoi est-ce que je réussis à être persuadée par vous encore une fois

Parce que l’âge, la force et l’intelligence sont les critères

Mais la beauté est mon seul courage

Parce qu’on ne le voit pas toujours, mais il pousse dans le cœur.

Et donc

Je chéris ma beauté

Même s’il n’y a pas d’autres admirateurs

Il sent toujours bon.

Et donc

Pas besoin de s’inquiéter pour moi

Car je sais que la beauté ne peut être reproduite

Il n’appartient qu’à moi de le posséder

Être occupé est une bénédiction

Manger jusqu’à ce que vous tombiez est aussi une bénédiction

Obtenir une robe qui vous fait paraître moins grosseest aussi

le bonheur 

Mais

Même si vous ne pouvez pas l’acheter, vous ne serez pas mécontent

(5)

Blanche pivoine

S’envelopper d’élégance

Ne pas vouloir être admirée pour sa simple élégance

Préférer la beauté à la vivacité et à la rébellion

Désirant la chaleur du soleil

Elle se languit aussi de la pitié de la pluie

Le blanc n’est pas seulement la pureté

Il peut s’agir du prix

Derrière la beauté et l’élégance 

C’est le parfum fugace

Vouloir se relâcher

Vouloir aussi proclamer

(6)

Vouloir prendre un train pour se rendre dans un endroit très proche de chez soi

Un endroit où je peux voir dès que j’ouvre la porte.

Un endroit où j’ai vécu quand j’étais enfant

Je vais dormir tout au long du chemin

Pas besoin de trop réfléchir

Pas s’attendre à trop de choses, trop de nervosité

C’est comme rentrer de l’école

Ne vois pas la présence du père comme une surprise

Parce qu’il va se montrer

Cher Train

S’il te plaît, ne conduis pas trop loin

S’il vous plaît, ne me faites pas réaliser à quel point le monde est grand.

Si grand que mon père ne peut pas trouver une place

Pour apparaître comme il l’a fait autrefois

(7)

La langue perdue

Sans perdre sa puissance

Le sommeil de l’appréhension

Le soupir long et court

Les demandes incessantes

Sculpter, réparer, graver, s’entraîner

Souffre, douloureux, soupir, regret, haïr, reprocher

touché par qui

qui est secoué

Des erreurs sans fin

L’impénétrabilité de la nature humaine

Non plus, Non jamais,

Tant pis

(8)

À partir de demain

Couche-toi tôt, juste un peu plus tôt

Pas trop tôt, juste un tout petit peu

A partir de demain

Accélérer le rythme de travail

Pas besoin d’aller trop vite

Pas besoin non plus d’aller trop lentement

A partir de demain

Ne pense pas trop

Tu peux penser un peu plus de temps en temps, mais pas trop

A partir du lendemain

Ne pense plus le demain ou le lendemain

Ne te prépares pas, du moins, pas trop

Ne préviens rien, n’anticipe rien, du moins, pas trop

Il y aura demain pour commencer